Bioproduction d’un levain de brasserie et mise en oeuvre d’une fabrication de bière

Bioproduction préalable d’un levain de brasserie

 Intérêt de la bioproduction de levain

Lors de la fabrication d’une bière, le moût houblonné doit être ensemencé avec une certaine quantité de levures pour lancer le mécanisme de fermentation alcoolique. Une bioproduction de levain va alors permettre de produire des levures en quantité suffisante pour lancer la fabrication de la bière.

 Conditions opératoires de la bioproduction

Saccharomyces cerevisiae possède la faculté de produire son énergie par deux mécanismes différents en fonction des conditions environnementales :
- le métabolisme oxydatif (en présence d’oxygène) : qui permet la production de biomasse par croissance de la levure et la transformation du glucose en CO2,
- le métabolisme fermentatif (en absence d’oxygène) favorise la fermentation alocoolique et donc la production d’éthanol.

La manipulation consistera donc en une culture discontinue en fermenteur, en aérobiose (présence d’oxygène), de Saccharomyces cerevisiae. L’objectif est ici d’avoir un rendement de production de biomasse satisfaisant, c’est-à-dire en favorisant le métabolisme oxydatif. En effet pour cette étape préliminaire, c’est l’obtention du levain en quantité qui importe.

La culture est réalisée en fermenteur de laboratoire, avec les conditions suivantes :
 température = 30°C
 milieu de culture = bouillon Sabouraud glucosé
 alimentation en air = 3 VVM (volume d’air par volume de milieu par min)
 agitation 300 rpm

Les fermenteurs de laboratoire sont des enceintes, généralement en verre permettant la croissance de micro-organismes, en contrôlant différents paramètres (agitation, température, pH, oxygénation).

Exemple de fermenteur de laboratoire :

Au fur et à mesure du développement de la souche, on suit à chaque temps :
 l’évolution de la concentration en levures, afin de s’assurer de l’accroissement de la biomasse,
 la concentration en glucose du milieu de culture, afin de s’assurer que la souche utilise bien ce substrat,
 la concentration en éthanol qui doit rester proche de zéro, signifiant ainsi que la souche n’utilise que son métabolisme oxydatif, pas le fermentatif.

Voir l’animation ci-dessous pour modéliser les résultats d’une courbe de croissance en fermenteur (cocher graphe ln X = f(t), puis cliquez sur « Démarrer »)

Source : http://www.biomultimedia.net

 Résultats de la bioproduction de levain

Courbe de suivi de la production de biomasse , du glucose et de l’éthanol :

L’analyse de cette courbe montre que :
 la souche se développe convenablement au cours du temps avec une vitesse spécifique de croissance de 0,0069 min-1 (obtenu par le coefficient directeur de la droite de régression en phase exponentielle de croissance),
 ceci est en relation avec la disparition du glucose au cours du temps, celui étant dégradé par la souche,
 l’objectif de production de biomasse est atteint : en effet la non apparition d’éthanol tout au long de la croissance montre que seul le métabolisme oxydatif a été utilisé par la souche.

Lors de l’arrêt de la production, nous avions dans le fermenteur :
 une concentration en levures de 5x10^9 levures /L,
 soit une concentration massique en levures de 5 g/L (par correspondance avec la masse d’une cellule de levure = 1 ng en moyenne)
 donc avec un volume de milieu de 2 L, nous avions 10 g de levures.

En conditions, aseptiques, le milieu de culture est récupéré dans des bouteilles de 1L qui sont ensuite stockées au froid. Ensuite la biomasse doit être préparée soigneusement :
 sédimentation des levures,
 élimination du liquide surnageant,
 rinçage à l’eau physiologique stérile,
 sédimentation + élimination des eaux de rinçage, à répéter 3 fois.

La biomasse ainsi obtenue peut être utilisée pour le brassage.

Fabrication de la bière

 Principe de fabrication de la bière

La fabrication de la bière se décompose en 5 étapes illustrées ci-dessous :

Pour réaliser notre brassage nous utilisons un extrait de malt houblonné prêt à l’emploi qui permet d’éviter les étapes de maltage, de saccharification et d’aromatisation. En pratique seules les étapes de fermentation primaire et secondaire seront mises en oeuvre.

La fermentation primaire est l’étape durant laquelle le levain de brasserie converti la majorité des sucres en éthanol et en CO2 grâce ) une fermentation alcoolique.

Voir l’article sur le processus de fabrication de la bière pour plus de détails.

A la fin de la fermentation primaire, on obtient une « bière verte » peu mousseuse et peu pétillante que l’on soutire. Pour exalter les arômes, on poursuit le procédé par la maturation durant laquelle une fermentation secondaire a lieu. Les levures encore vivantes vont achever la fermentation des sucres restants (moins de 1% des sucres de départ) en permettant alors d’affiner le goût et d’accumuler du CO2 pour rendre la bière pétillante.

 Production de la bière

Les principales étapes de la production de la bière sont résumées ci-dessous :

La fermentation primaire dure entre 8 et 15 jours. Lorsqu’elle est achevée, la bière « verte » peut alors être soutirée et embouteillée. La maturation permettra d’obtenir en 8 à 10 semaines une bière consommable.

 Suivi de fermentation et contrôles microbiologiques

Pendant les 8 à 15 jours de la fermentation primaire, un suivi quotidien de la cuve de brassage est réalisé. On suit :
 l’évolution de la teneur en éthanol
 l’évolution de la composition en glucides

Suivi de la teneur en éthanol

La fermentation primaire pouvant durer entre 8 à 15 jours, un suivi de la teneur en éthanol est mis en place afin de déterminer l’instant où il faut arrêter la fermentation. Ce suivi consiste à mesurer la densité du moût de fermentation, car celle-ci est équivalente à la teneur en éthanol présente. On considère qu’une fermentation primaire est achevée lorsque la densité est comprise entre 1,005 et 1,010, correspondant à un degré alcoolique de 3 à 4°.

Démarche mise en œuvre :

Chaque jour, un opérateur prélève une quantité suffisante de moût de fermentation dans une éprouvette pour mesurer la densité à l’aide d’un densimètre :

Résultats des mesures :

Jour|Densité mesurée|
1|1,03|
2|1,03|
3|1,02|
4|1,02|
5|1,02|
6|1,01|
7|1,01|
8|1,00|
9|1,00|

Les résultats montre une diminution de la densité jusqu’au seuil de 1,00, la fermentation primaire a donc permis la formation d’éthanol. Ici on obtient au bout de 8 jours une densité inférieure à 1,01 : la fermentation primaire est achevée.

Suivi de la composition glucidique

Un autre suivi permet de contrôler le bon déroulement de la fermentation. Il s’agit de suivre la composition en sucres du moût, puisque les sucres sont consommés par le levain. Ce suivi a été réalisé par chromatographie sur couche mince comme le présente la figure ci-dessous. L’échantillon de moût est systématiquement placé au centre de chaque plaque, les autres dépôts de part et d’autre sont des sucres témoins.

Exemples de chromatogrammes obtenus aux jours 1, 2 et 9 de la fermentation primaire :

 Au jour 1, le moût de fermentation est composé essentiellement de sucres complexes de grande taille (maltose, saccharose par exemple). On les repère sur ce chromatogramme par le spot bleu formant une longue traînée.

 Le chromatogramme obtenu lors du jour 2, montre qu’à ce stade le moût est composé principalement de sucres moins complexes de plus petite taille (glucose, fructose par exemple). On les repère par le spot rond de couleur violet intense spot rond de couleur violet intense. Ces sucres sont apparus par transformation des sucres complexes en sucres plus simples.

 Au jour 9, l’échantillon ne montre pas de spots nettement visibles : il y a finalement quasiment disparition des sucres. En effet, les sucres simples ont pu être assimilés quasi-totalement par le levain et consommés lors de la fermentation alcoolique : ils sont donc maintenant à l’état de traces dans le moût.

Contrôles microbiologiques

Avant le soutirage, on prélève du moût afin de vérifier l’absence de bactéries pathogènes. Pour cela, on a ensemencé les milieux suivants :
 une gélose Chapman spécifique de Staphylococcus aureus,
 une gélose ColiID permettant la recherche de coliformes et de Escherichia coli,
 et enfin une gélose SmID pour recherches les salmonelles.

Le contrôle microbiologique de la bière a démontré l’absence de toute contamination. Le soutirage du produit peut-être réalisé.

Conclusion

La fabrication d’une bière nécessite préalablement une production de levain pour obtenir un nombre suffisant de levures, qui réaliseront la fermentation alcoolique nécessaire au développement des caractéristiques gustatives du produit. Le suivi et les contrôles microbiologiques ont démontré l’innocuité du produit, qui peut alors maturé pendant plusieurs semaines pour affiner le goût de la bière...avant de pouvoir la consommer.